La problématique soulevée ici, n’est pas l’analyse des mécanismes inter relationnels entre information et innovation, mais bien plus, la nature
même des éléments qui sous-tendent à leur
relation.
Lorsque l’on se réfère au concept d’innovation on sous-entend une création qui apporte non
seulement une nouveauté, mais aussi une amélioration. Celle-ci peut être
d’ordre technologique, économique, sociale, organisationnelle etc…D’une manière
générale, on associe au terme d’innovation, celui de progrès.
Ceci, est un point central, car dans la pensée générale et communément
acceptée, l’innovation est essentiellement positive, bénéfique, et notre
société est aujourd’hui structurée afin de la maximiser dans toutes ses formes afin de bénéficier de
ses applications diverses et variées.
L’innovation est de nos jours et plus que jamais, un pilier porteur, de
notre systeme économique et social. Elle bénéficie, d’un « bene placito » généralisé qu’il
peut être utile, si non nécessaire d’analyser sous une perspective impartiale
et somme toute, moins dogmatique.
Historiquement, l’information quant a elle, était munie d’un signifié
beaucoup plus complexe et nuancé qu’il ne l’est de nos jours. Et cette
différence est étroitement liée à l’évolution de celui d’innovation et de sa
différenciation avec celui d’invention.
Traditionnellement, l’information était réservée à une élite. Aussi bien sa
formulation, que les véhicules de transmission de celle-ci, étaient
soigneusement codifiés. L’information
était entourée d’une aura de méfiance et de crainte afin de mieux la contrôler, et contrairement à ce que l’on
pourrait penser de nos jours, l’acception de puissance et pouvoir qui y étaient associés dès la préhistoire,
était incommensurablement supérieure à celle dont elle bénéficie de nos jours.
Pour s’en convaincre il i suffit de se souvenir de l’importance et de la fondamentalité dans notre culture, du concept de
mystère (ce qui est caché au profane et
réservé à l’initié) dans son acceptation religieuse et sociale, et de ses
répercutions encore très présentes de nos jours jusque dans l’inconscient
collectif.
Sans tomber dans une diatribe infructueuse sur qui de l’information ou de l’innovation enfante originellement l’un et l’autre, ce qui revient somme toute à
discuter de la primatie entre l’œuf et la poule, on peut sans aucun doute établir une
corrélation entre la genèse de la terminologie d’innovation telle qu’elle est entendue de nos jours, avec
la « libération » de l’information, d’abord de l’enclave religieuse,
puis de celle scientifique.
Avec le développement industriel et
économique qu’a connu la civilisation occidentale durant ces derniers siècles,
l’information s’est libérée de sa connotation élitique et sa globalisation a
été de pair avec les développements et
innovations dans notre société.
D’autre part, Il est remarquable qu’en moins de 300 ans, se soit opérée une
inversion complète de la connotation émotionnelle associée à la terminologie
d’information. Nous sommes passés d’un apriori
chargé de crainte et mystère à celui de liberté et progrès.
L’innovation étant nécessaire à la survie de notre système
économico-social, l’information est devenue sacro-sainte pour des raisons bien
différentes à celle des derniers millénaires, pour ne pas dire opposées.
Sous l’étendard d’un utilitarisme avoué, information et innovation se sont liés d’un
lien indéfectible.
Cependant, il est utile de se demander quelles conséquences et quels dangers
potentiels peuvent dérivés de cette surcharge conceptuelle et mutante, associée à la terminologie d’ »information ».
Si dans le passé la connotation qui lui était associée à clairement bridé
et ralenti les changements et évolutions au sein de notre société, est-il
absurde de craindre que sa libéralisation telle qu’on la connait aujourd’hui,
puisse avoir des implications potentiellement négatives ?
L’information est sensée être une donnée dont la qualité intrinsèque dépend
du contenu de celle-ci et de l’appréciation de ceux ou celles qui l’utilise. Seul son contenu
devrait en théorie être chargé de sens et de valeur. Cependant, notre histoire
nous a montré que le signifié du concept même, n’est pas neutre et que celui-ci
a un impact majeur sur l’utilisation du contenu lui-même.
En effet, le signifié du terme information a prouvé qu’il peut être soumis
à une charge politique, sociale et économique tellement forte que en l’espace
de quelques décennies, sa perception a opéré une inversion à 180 degré.
Ceci doit nous amener à nous poser la question, en toute sincérité, de
savoir si, ce qui au départ est apparu clairement comme un cercle vertueux
entre ces deux concepts, n’est pas devenu, ou sur le point de devenir, une
relation trop souvent incestueuse qui
peut porter préjudice au développement
sein et cohérent de notre société.
A quel moment passe ton d’un cercle vertueux à une relation « incestueuse »
entre ces deux concepts ?
Conceptuellement, on peut dire que la relation qui unit information et innovation,
est vertueuse tant que l’on ne peut différencier la primatie de l’un par
rapport à l’autre. L’un alimente l’autre
et vice versa. La relation entre les éléments en question, est duelle, mais sa
structure est globalement unitaire. L’équilibre est préservé par
l’indéfinibilité de la relation causale qui les unit. Une sorte de mécanisme d’indétermination quantique ou on ne peut pas connaitre à la fois la vitesse et la
position d’une particule qui n’a pas de localisation précise avant sa mesure.
De la même manière, du moment où l’on peut identifier une intentionnalité
dans la mesure de la relation de causalité entre les deux notions,
nous somme témoin d’une manipulation qui
elle est susceptible de dérives potentiellement dangereuses.
Exprimons ce concept en des termes différents.
Pendant longtemps, information et innovation se sont nourris mutuellement
sans qu’une volonté politique, au sens large du terme, n’interviennent pour
incrémenter l’une ou l’autre de manière indépendante. Un mécanisme ‘boule de
neige » s’est amplifié avec les années, ou plus d’informations, a amener à plus d’innovation ; ainsi de
suite et vice versa. Ce processus entre ces deux éléments, a commencé par évoluer de manière indépendante et
autonome.
Petit à petit, et face à des besoins de croissance continus pour maintenir
notre système économique et financier, dans un besoin de mouvance cinétique
indispensable à son maintien, il est apparu clairement que l’innovation était devenue
indispensable au maintien de la croissance. Piloter et favoriser l’innovation devenaient
une priorité. Compte tenu, de la relation indissociable entre innovation et information, il est
apparu tout naturellement prépondérant, de piloter et favoriser aussi les échanges
d’informations. L’ère de la
communication et des télécommunications
venait de naitre. Celle de la mesure programmée de l’information et de l’innovation aussi.
Est-ce nécessairement dangereux et préjudiciable ? Non. Sommes-nous
exempts de dérives et dommages collatéraux ? Non plus. Cependant nos
gouvernements, les dirigeants d’entreprises, les medias doivent en tenir compte
et ne pas se plier au dogme réconfortant qui laisse croire que toutes les activités
et mesures visant à favoriser l’information et l’innovation sont nécessairement
bénéfiques sur le moyen et long termes. Le vrai danger étant surtout de
dénaturer et dévaloriser l’information
et l’innovation, qui comme nous le savons sont aujourd’hui des composantes indispensable au maintien de
notre mode de vie et de notre civilisation.
Expliquons nous un peu plus en détails sur ces dangers.
Comme nous l’avons vu, précédemment, à vouloir ou devoir, piloter,
programmer et organiser l’information et l’innovation, nous avons cassé les
mécanismes naturels qui maintenaient une relation vertueuse entre information
et innovation.
De nos jours il est fréquent de constater les mécanismes et les préjudices
d’une telle démarche dans de nombreux secteurs de notre société. Le but n’est
pas d’en faire une liste exhaustive, mais de montrer certain effets pervers que
ceux-ci ont quotidiennement dans notre société.
D’un côté,
Certaines informations sont potentiellement susceptibles de favoriser l’innovation, mais sont en définitive, fondamentalement
destinées à manipuler les perceptions et décisions d’un public visé. L’innovation devient théoriquement possible,
mais le seul fait de sa possibilité de réalisation, est suffisant à créer l’effet
désiré sans pour autant que cette innovation soit réalisé effectivement.
L’innovation potentielle devient suffisante, même si elle n’est pas actée. Sur
le moyen terme, nous donnons naissance à un mode de fonctionnement basé sur la
potentialisation et la virtualisation des progrès futurs, qui sont cependant
« comptabilisé » dès à présent. En gros, les crédits à la consommation et à la
production n’étant plus suffisants pour maintenir le système en mouvement, nous
sommes en train de fomenter un system de crédit
à la production et consommation de besoin et services destinés à rester virtuel et potentiels. En
d’autres mots, nous organisons un système de crédits à la spéculation dans son acception
malheureusement la plus générale.
De nombreuses entreprises, et non des moindres sont valorisées en grosse
partie de cette manière. Un exemple
parmi d’autres, FACEBOOK est rentré en bourse pour une valeur de 105 milliards
de dollars, alors que son business model n’est pas encore validé.
D’un autre côté,
Certaines innovations ont pour
finalité de créer de l’information. L’innovation
devient support de communication et véhicule
marketing. Rares ne sont pas les mesures
ou dispositifs innovants décidés par nos dirigeant tant au niveau national
qu’européen ou mondial et dont la finalité première n’est pas tant la mise en
place de tel ou tel dispositif innovateur, mais plutôt l’information qui y est
associée qui est sensée rassurer
l’opinion publique, les marches financiers etc.
Ainsi, si d’une part l’information est de moins en moins envisagée comme support de l’innovation car à
elle seule ,elle est capable de produire les mêmes effets attendu de
l’innovation, et que d’un autre cote l’innovation
est de plus en plus au service de l’information, nous sommes en droit de se
demander si le cercle vertueux qui reliait ces deux concepts, n’est pas en
train de se muter en relation incestueuse dans laquelle, l’information est la
fois mère et progéniture .
Aussi, il est légitime de se demander à quelles conséquences perverses nous
nous exposons lorsque nous organisons par différentes méthodologies un meilleur
échange de l’information pour améliorer et facilite l’innovation au sein de
notre société:
Sur le plan économique, comme nous l’avons vu, le risque est d’augmenter de
manière déséquilibrée la dématérialisation des processus de création de valeur.
Mais aussi de motiver de manière excessive des innovations, qui deviennent de
moins en moins source de progrès, et de plus en plus outil d’information ou de désinformation
selon la perspective envisagée.
Rappelons, en outre, qu’il n’y a aucune commune mesure entre le niveau
d’augmentation de la circulation de l’information et celui du nombre
d’innovation crées. Cette donnée à elle seule, devrait nous interpeler sur la
qualité de relation entre information et innovation et aussi sur les conséquences et impacts que peut avoir une telle
suralimentation de l’information dans la
diète économique et sociale quotidienne.
Sur le plan de la finance, le risque est d’alimenter le décalage déjà trop
important entre le secteur productif et
celui financier en favorisant une création
de valeur au travers de processus spéculatif immateriels.
Mais somme toute, d’autres pourraient penser que les conséquences les plus sérieuses
d’un manque de contrôle de la divulgation de
l’information et d’une politique qui tendrait à la favoriser a tout
prix, est surtout liée à ses impacts sociologiques et comportementaux.
Logiquement, une société dont le développement se base de plus en plus sur un élément dématérialisé
et transitoire comme l’est l’information,
est destinée à connaitre des mutations sociologiques et psychologique qui
suivent la même tendance.
Cette incidence a toujours été particulièrement sous-estimée par nos
dirigeants et pourrait bien devenir très
rapidement l’élément essentiel qui met en échec toutes tentative pour faire perdurer notre système économico social que nous nous efforçons
à préserver.
Nous voyons bien au travers de cette crise mondiale que le système a évolué,
au cours des dernières décennies, dans
une dynamique qui se doit d’être corrigée
et assainie par un mode de développement plus cohérent, au travers
duquel, la richesse se doit d’être créee
par des moyens moins transitoires et virtuels,
plus concrets et projeté dans un futur
moins immédiat.
La course effrénée a l’information et à l’innovation, rend la première
toute puissante, et asservie la deuxième
à des besoins conjoncturels, dans une optique de plus en plus à court terme, qui laisse de côté le caractère fondamental
lié au progrès qu’est supposé avoir tout développement innovant.
Cette manière de concevoir le « temps de l’information » comme
l’étalon temporel de toute manifestation productive dans laquelle s’insère inévitablement
aussi l’activité d’innovation, rend difficulteuse toute tentative de projection
de notre mode de pensée, de notre faculté à produire de la richesse , et de la
consommer, dans un futur qui se doit
d’être suffisamment éloigné pour que l’on puisse récolter les fruits des investissements passés, et a qui nous avons donné le temps nécessaire
pour être porte à juste maturité.
On conçoit aujourd’hui que l’activité spéculative doit être redimensionnée,
que les états tout comme les particuliers,
sont appelés a plus de rigueur budgétaire
et que le crédit conçu comme moteur de
croissance a atteint ses propres limites.
Des notions comme le travail, l’effort
et le sacrifie sont réactualisée dans une société qui avait été élevée à la
mamelle du droit, qui est une notion de principe, et qui se retrouve d’un
coup, sevrée au biberon du devoir,
notion qui fait appel à des actes concrets et pragmatiques.
Néanmoins avons-nous les ressources mentales nécessaires afin d’opérer un
tel changement. Les générations actuelles sont-elles armées psychologiquement à
accepter ce nouvel état de conscience indispensable à la survie des acquis
basiques et fondamentaux d’un mode de vie
que nous ne pouvons plus nous permettre ?
Le caractère transitoire de notre implication individuelle, ne
commence-t-il pas à fragiliser notre propre conscience identitaire et sociale ?
Les socles même de notre engagement communautaire, comme celui de la cellule familiale, ou bien encore de la
conscience nationale, ne deviennent-ils
pas eux même victimes d’une incapacité culturelle à s’investir dans un
futur que l’on n’est plus capable de penser ? Sur le plan psychique, ne
constatons nous pas une réelle et
rependue difficulté à pouvoir réaliser un investissement émotionnel et affectif
en dehors d’une dynamique basée sur un
concept éphémère du sentiment, de l’emotion et de la relation, que
l’on ramène dans le giron de la
consommation ?
D’une manière plus générale, un paradoxe est en train d’apparaitre et peu
sont ceux qui semblent s’intéresser à en analyser ses mécanismes et ses
implications: celui d’une société qui n’a jamais été aussi matérialiste et qui tend inéluctablement pour
la survie de son model, vers la dématérialisation de ses ressources, de ses
outils de développement ainsi que de sa
propre consommation.
L’information est à la base de notre connaissance et de notre manière de
pensée. Une gestion correcte et rationalisée de celle-ci laisse entrevoir des
enjeux qui dépassent de beaucoup les
rapports qu’elle entretien avec l’innovation. Désormais, la question de la
relation entre information et innovation telle quelle est envisagée, est
dépassée et elle se doit d’être réévaluée dans une optique sociétale holistique.